Une nuit en enfer, deux jours au paradis

Ploum-ploum tralala tagada tsoin-tsoin,

A Pyay on ne fait pas grand chose. Il faut dire qu’il fait très très chaud.

Nous allons quand même au marché, très sympa d’ailleurs, pour acheter quelques victuailles, dont des avocats. On passe un peu pour les bêtes curieuses du coin et on passe à peu près aussi inaperçus que les Dupont et Dupond déguisés en Chinois. A chaque fois que l’on retourne à notre guesthouse, il y a toujours un ou deux gars dans la rue pour nous dire « Bagala inn, this way », alors qu’on ne demande rien. On a un peu l’impression que toute la bourgade est au courant que deux farangs sont venus s’échouer en ville, et que les seuls avant nous c’était les auteurs du Lonely Planet…

On quitte la merveilleuse ville de Pyay en minibus. Arrivée à 17h en speed et en nage à la station de bus à cause d’un cortège funéraire dans toute la ville. Un gros bonnet a fait une attaque fatale quelques jours avant, et le gouvernement a fourni des sarongs assortis pour l’occasion, pour que ça soit plus joli… On avait vraiment pas prévu le coup des embouteillages à Pyay !

S’enchaîne alors une folle épopée que nous appellerons par la suite le Voyage de l’Enfer. Dans le minibus on est installés dans les places du fond et il y a environ 40 cm entre notre dossier et celui de nos voisins de devant. La route c’est de la piste, et franchement avec Bob on en a jamais pris d’aussi dégueu. Même le Cap York c’était de la croisière pour demoiselle à côté. C’est nid de poule sur nid poule et comme dit le Lonely Planet, à l’intérieur on se prend pour du maïs se transformant en pop-corn. Ou comme disait Céline « oui, ça pourrait être pire, on pourrait être des graines dans une maracasse ». C’est vraiment horrible, on peut pas se caler du tout et faut faire attention à ne pas se cogner la tête. Et puis comme toujours dans ce pays, c’est un trajet de nuit ce qui provoque une envie de dormir qui est tout à fait incompatible avec ces conditions. A la pause repas, un « better than old » monsieur, qui voyage avec nous, nous propose de partager sa table. Son anglais est « better than » approximatif, et il radote un peu, mais il est vraiment super gentil. Il nous paie même le repas malgré nos maints refus. Repas pas mauvais du tout d’ailleurs, mélange de riz et de noodles au jaune d’oeuf. Ca change du riz et des nouilles 🙂 Blague à part c’était assez bon.

On arrive à 4h du mat à Taungup. On sort du minibus couverts de bleus et de bosses. Le vieux monsieur continue sa route dans une autre direction, mais avant il nous aide à trouver notre prochain bus. Heureusement d’ailleurs, car on est un peu perdus, carrément crevés, et personne n’arrive à aligner deux mots d’anglais. La seule compagnie ouverte à cette heure-ci ne veut pas de nos « gros » culs de blancs. Un militaire nous propose le trajet en moto-taxi… Le pti vieux insiste pas mal et les mecs finissent par lui indiquer une compagnie qui devrait nous accepter, mais qui n’ouvre qu’à 6 heure. On le remercie chaudement avant qu’il ne file prendre un autre bus. On squatte donc un tea-shop pendant deux heures. Mais ça va, ça passe assez vite vu que dans notre état de fatigue on ne communique que par quart d’heure : je dis un truc à Céline, elle répond un quart d’heure après, et pareil dans l’autre sens… on est vraiment à l’ouest.

Le comptoir fini par ouvrir et là on on découvre avec bonheur notre futur moyen de transport. Il est 5h40 du matin : « Céline j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle… La bonne c’est que c’est ouvert. La mauvaise… euh faut que t’aille voir le camion ! ». Z’avez sûrement déjà entendu parler des boats-people. Bha pareil, mais sur un camion genre bétaillère. On se retrouve à 70-80 personnes à l’arrière, entassés sur les sac de riz et coincés entre les bagages. Comme on arrive un peu sur la fin, tout le monde est déjà installé. Céline arrive à poser une demie fesse, et moi je reste debout à l’arrière, à la éboueur-style, avec une dizaine d’autres gars. C’est très convivial, et « tellement local ! trop cool quoi ! »…

A la première côte la moitié des gens descend pour que le camion puisse monter. Après ça une quinzaine de mecs montent sur le toit, ce qui laisse un peu plus de place à l’intérieur. Mais la populace c’est comme un gaz, plus ça a de place, plus ça s’étend et je n’ai toujours pas de place pour m’asseoir. Dans tout les cas, ça reste quand même plus confortable que dans le minibus précédent. Et cette fois, le trajet ne dure que… 5 heures. On arrive finalement à Thandwe où on doit négocier le tuk-tuk pour enfin arriver à la plage. Trois quarts d’heure plus tard, ça y est on y est. Putain, 3 jours. We made it !

Ngapali Beach. 3km de sable blanc bordés de cocotiers. Le repos bien mérité de deux voyageurs fourbus (four bus…). Station balnéaire remplie à 5%. Tous les farangs du coin, c’est-à-dire pas beaucoup, ne viennent ici qu’en avion. On se dit qu’ils n’apprécient pas autant que nous le petit paradis après l’enfer. On se prend le bungalow le moins cher (au joli nom de « éco ») dans l’hôtel le moins cher. On nous fait même une réduc ! Ils ont du avoir un peu pitié de nous, de nos cernes, et de nos sacs à dos pleins de poussière qui ne sortent manifestement pas de la soute d’un avion.

Malgré notre irrésistible envie de pioncer toute la journée, on se motive pour aller à la plage et prendre un bain dans le golf du Bengale. L’eau est super bonne, température idéale. On en oublie presque la nuit blanche et ses transports aussi longs qu’inconfortables. Le reste de la journée, on ne fait rien. Rien du tout 🙂 Petits cocktails au coucher du soleil, puis resto de fruits de mer. On se couche vers 20h, et on s’endort direct pour une nuit de 12 heures.

Le lendemain, petit dej au bord de la plage, bien copieux. Baignade. On se balade ensuite sur la plage jusqu’à un petit village de pêche à quelques km de là. Comme à l’entrée de la ville, ils font sécher du poisson en quantité impressionnante. Pas de camions frigorifiques ici, donc pour envoyer le poisson dans le reste du pays (généralement en bus), il faut d’abord le faire sécher : les poissons sont disposés sur de grandes bâches à même le sable en plein soleil. L’odeur est… bha, comme du poisson qui sèche au soleil : ça sent le pourri, et c’est vraiment pas appétissant. On observe un peu la vie du village. Les mecs qui viennent décharger les poissons avec des charrettes à boeufs, les gosses qui viennent nous demander du shampooing contre des coquillages, des chiens qui se régalent de poissons. Il y a pas mal de perte, et on slalome entre les calamars et poissons pourris mélangés au sable. Et au milieu de tout ça, il y a quand même 2 ou 3 faranguettes en bikini. Choc des cultures !

Retour dans notre petite enclave de richoux, re-baignade, re-cocktail au coucher de soleil, re-resto de fruits de mer. Je prends un red snapper entier grillé au barbecue. Un vrai délice. Céline n’est pas mécontente de son filet de barracuda. Et les salades d’avocat sont sublimes. Il est temps qu’on reprenne un bus et qu’on retourne en Asie avant de trop s’habituer au farniente de luxe 🙂

La nuit, des centaines de petites lumières de bateaux péchant au lamparo scintillent à l’horizon. Le bruit des vagues nous berce toute la nuit, jusqu’aux attaques fulgurantes de moustiques.

Au petit matin, re-petit dej, puis préparation des sacs pour une nouvelle partie de plaisir. Au programme, un bus de 20h jusqu’à Yangon, suivi si tout va bien d’un bus de 2h pour Bago. Bien sûr, dans notre souci d’économies, pas de clim, pas de sièges inclinables, et sûrement une odeur de poisson séché au soleil emplissant notre superbe moyen de transport.

Pour ceux qui se disent : « Mais y z’en ont pas marre de prendre des bus tout le temps ? Z’ont pas envie de rentrer à la maison ? »… bha… on vous avoue qu’on y a pensé. Mais à la simple idée de devoir se lever le lundi matin, on se dit qu’on est pas si malheureux que ça ici !

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On veut se boire un cocktail dans notre guétouze de luxe :
-You have drink menu ?
-Drink ? yes.
-Ok… You have cocktails ?
-Drink ? Coconut ?
-No, cocktail.
-Coca-cola ?
-No, cocktail… Like Mojito, Caïpiriña, …
-Mojito ? One ?
-…

Le lendemain, sur la carte d’un resto on lit « seasonnal fruit milk-shake » :
-What fruits do you have ?
-Fruit ? Juice ?
-Euh… Milk-shake
-Milk-shake, one ?
-…What kind of fruits do you have ? Like banana, papaya, …
-Banana, one ?
-Euh… yes…

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6 Responses to “Une nuit en enfer, deux jours au paradis”

  1. MARC Says:

    Salut,
    On va chercher notre petit camion mardi prochain, ça devrait être plus confortable que vos expéditions…
    Au moins vos aurez vu la Birmanie profonde, c’est comme en bateau, tout est dans l’approche !

    bises

  2. Patricia Says:

    Je me suis bien marrée avec vos tribulations de frenchies, surtout la conversation surréaliste à 2 à l’heure !
    Du coup, l’arrivée à la plage fait vraiment paradisiaque. Vous avez bien rendu l’atmosphère, on s’y croirait (sans les odeurs). Même sans photo, on imagine bien le truc… C’est trop d’la balle, non ???

  3. anneso Says:

    Au moins vous quand vous prenez une bétaillère comme moyen de transport vous arrivez sur une plage paradisiaque!
    A Paris, on arrive dans un openspace avec pleins de boeufs….
    Je comprends bien votre ténacité…Continuez!!
    Bisou

  4. anneso Says:

    Mais bon rentrez quand même, siouplait…

  5. xav Says:

    avocado-addicted…vous allez etre en etat de manque!

  6. » Transport, mister ? larima & klm, là-bas si on y est ! Says:

    […] suivie par la Birmanie qui l’emporte question inconfort. Le pire voyage reste bien entendu le fameux « Voyage de l’Enfer ». Le Cambodge est le grand gagnant des transports boîtes de sardines, avec notre reccord perso de […]